Don't run away (Pharrell)

L’ironie qui découlait de la situation était absolument déplaisante. Elle était celle qui voulait avoir une conversation avec lui aujourd’hui alors qu’hier encore, elle faisait tout pour l’éviter. Elle essayait de se convaincre qu’il fallait qu’elle soit adulte, qu’il devait savoir. Elle essayait de s’en convaincre mais elle n’était toujours pas certaine de vouloir lui dire. Parce qu’au fond ça changeait quoi ? Ils n’allaient pas être de ceux qui se mettent en couple pour un enfant, c’était ridiculement malsain. Il allait sans doute voir le bébé comme un problème, peut-être souhaité ne jamais avoir su. D’un mouvement de tête elle balayait cette idée. Non, il ne dirait pas cela parce qu’il était celui qui aurait voulu faire d’eux un couple, celui qui était prêt à rendre les choses sérieuses. Il était prêt alors qu’elle se noyait dans sa peur Liv, elle ne parvenait même plus à nager, elle sombrait, fuyant, se trouvant des excuses. La vérité c’est qu’elle ne voulait pas avoir le cœur brisé, pas une nouvelle fois. Elle devrait sans doute lui dire aussi, lui expliquer, pour qu’il sache que si elle agissait aussi bizarrement c’est parce qu’elle l’aimait.

Elle lui avait proposé de se rejoindre dans un bar qu’ils avaient l’habitude de fréquenter, pas vraiment un terrain neutre, pas non plus le meilleur moyen de résister à la téquila mais peu importe. Elle l’attendait devant sa pauvre petite limonade, les mains moites, le cœur serré et l’estomac en vrac. Elle était venu en avance par peur de renoncer à la dernière minute, pas peur d’avoir trop la frousse. C’était idiot au fond, elle pouvait toujours fuir maintenant mais, le fait d’être sur ce siège en cuir usé la poussait à ne pas bouger. Elle croisait les doigts pour ne pas être prise de nausées, pour ne pas se ridiculiser, pour trouver le courage de lui parler. Allait-il être en colère ? Elle craignait que la rancune n’aide pas la situation mais elle savait parfaitement qu’elle l’avait cherché. Et s’il s’énervait ? Elle avait du mal à l’envisager mais cette idée lui faisait mal. Elle en savait rien, s’il voulait être papa, s’il avait déjà songé à fonder une famille. Après tout, ils étaient tous les deux d’excellents chirurgien, ils avaient tous les deux beaucoup à accomplir alors un bébé ? Peut-être que ça ne rentrait pas dans son tableau.

Chirurgien est un boulot qui demande beaucoup, ça n'est pas le genre de boulot où ont peut facilement compter les heures ou bien même prendre des jours de repos quand ont veux. Chirurgien c'est avoir des vies entre nos mains, c'est accepter de faire passer sa vie privée après et ça c'est peut-être le plus compliqué, puisque comme tous humains qui se respectent, nous avons des besoins et des envies. Pour un chirurgien rencontrer quelqu'un en dehors de l'hôpital est quelque chose de complètement impossible, ou presque puisqu'il faudrait que cette personne en question soit totalement compréhensive et ça … c'est tellement rare. Depuis ma séparation avec Liv, enfin, si on peut appeler ça comme ça, j'ai décidé d'arrêter les histoires d'amour ou même de sexe tout simplement puisque ça ne semble jamais vouloir aboutir avec moi alors autant tout donner dans le boulot et voir le reste plus tard ou bien faire confiance au destin. Ce matin alors que j'étais en train de planifier mes opérations, mon téléphone s'est mis à vibrer et c'était un message de Liv qui me demandait si j'étais disponible aujourd'hui puisqu'elle voulait me parler. Ma première réaction évidemment c'est l'étonnement puisque depuis sa fuite je n'avais plus aucune nouvelle d'elle. Évidement j'accepte de la voir et je lui indique que je termine en fin d'après-midi et le rendez-vous aura lieu dans un bar que nous connaissons très bien. Je ne sais absolument pas de quoi il s'agit, mais je m'imagine des tas de choses. Je suis comme un enfant à me torturer l'esprit en attendant sagement que l'heure passe. Par chance, aujourd'hui ça passe plutôt vite puisque j'enchaîne les opérations. Une fois le boulot terminé et la douche prise et tout changé, je me rends sur les lieux du rendez-vous où je retrouve Liv à une table. Je m'approche, ayant tout de même le cœur qui bat très vite. « Salut ... » Dit-je tout simplement. Très honnêtement je ne sais pas vraiment comment réagir pour l'instant puisque c'est tout de même elle qui a pris la fuite sans rien dire.

Elle le vit franchir la porte et son cœur s’affola dans sa poitrine. Elle se retrouvait face à cet amas de sentiments qu’elle se donnait tant de mal à ignorer. Elle aurait voulu courir dans ses bras, l’embrasser, lui dire à quel point elle se sentait idiote de l’avoir rejeté ainsi, d’être partie de cette manière. Elle le voulait sincèrement mais, la peur et le souvenir d’un cœur brisé prenait le dessus sur tout cela. Elle le laissa venir jusqu’à elle, jusqu’à cette table. À chaque pas qu’il faisait son cœur battait plus fort, ses mains étaient plus moites, son ventre se tordait. C’était trop dur, c’était dur mais en croisant ce regard qu’elle aimait tant elle n’avait plus envie de partir. L’espace d’un instant, plongé dans son regard elle retrouvait ce sentiment si particulier qu’elle avait toujours eu dans ses bras, un sentiment de bonheur, celui d’être à sa place. Pourquoi avait-elle renoncé ? « Salut ... ». C’était normal qu’il parle mais cette voix l’avait troublé, son cœur avait manqué un battement. « Salut… ». C’était tendu, c’était étrange, forcément parce qu’elle avait fui ainsi, parce qu’elle revoyait l’image de cette femme, parce qu’il avait des questions, parce qu’elle avait peur. Elle le laissa s’installer en face d’elle, plongeant son regard dans le sien. Comment allait-elle pouvoir lui dire la vérité ? « Encore une fois, je suis désolée d’être partie sans te donner d’explications. J’ai… peu importe. ». Elle avait paniqué, flippé, au point de se barrer sans lui laisser une chance. Elle baissa les yeux, perturbée par ce regard dans lequel elle aimait tant se noyer. Elle ne savait pas comment s’y prendre, devait-elle lui expliquer pourquoi elle était partie ? Ou lui dire directement ce qui se passait, ne pas prendre le risque de renoncer. « Pharrell… j-je suis enceinte… de toi, de dix semaines. ». Elle avait relevé les yeux vers lui malgré la peur qu’il réagisse mal, elle lui avait dit, oui, mais elle n’était pas soulagée pour autant.

Au départ, j'ai accepté ce rendez-vous sans trop savoir pourquoi. J'ai répondu un oui instantanément et puis je me suis rappelé que j'avais besoin de réponse à mes questions. La principale question c'est surtout de savoir pourquoi elle est partie et surtout pourquoi sans rien me dire ? J'ai essayé de retourner la question dans tous les sens et j'ai rien trouvé, pas même des suppositions. Visiblement il lui a fallu du temps pour en donner, des réponses, et aujourd'hui semble être ce jour finalement tant attendu depuis ce départ. J'arrive à l'heure au rendez-vous et je la retrouve à l'écart des personnes au comptoir. J'observe sa tête, ses yeux plus particulièrement et j'ai l'impression d'y voir un mélange de bonheur et en même temps de peur. « Salut… » Bien sûr je suis heureux de la retrouver, mais je ne peux m'empêcher d'avoir toujours en moi cette sorte de colère après elle. Je m'assoie alors en face d'elle, enlevant ma veste que je dépose derrière moi prêt à l'écouter. « Encore une fois, je suis désolée d'être partie sans te donner d'explications. J'ai… peu importe. » Étonnamment je ne dis rien, je reste silencieux pour le moment. J'ai l'impression qu'il va y avoir une suite très vite, et même si j'ai besoin de savoir le pourquoi du comment, je suis poli et la laisse donc terminer sa phrase puisqu'elle semble vouloir continuer. « Pharrell… j-je suis enceinte… de toi, de dix semaines. » Un choc ! Qu'est-ce que je dois faire ? Qu'est-ce que je dois dire ? A cette annonce je me contente pour l'instant de simplement ouvrir grand les yeux en me demandant si tout ça est bien réel ou bien alors si je suis dans un rêve. Je ferme les yeux une fraction de seconde, secouant ma tête avant de les ouvrirent de nouveau en la regardant. Je ne semble pas être dans un rêve. Je dois dire quelque chose et pourtant je ne sais pas quoi. « Pardon ? Tu peux répéter je suis pas sûr d'avoir bien entendu. » C'est vrai oui, avec le bruit des gens au comptoir j'ai peut-être mal entendu et au lieu du mot enceinte c'était autre chose.

Elle avait lâché la bombe, parce qu’il fallait bien, parce que c’était nécessaire, il savait voilà. Elle voyait bien le choc et la surprise, son regard qui cherchait à comprendre, son regard qui se perdait. Elle aurait voulu le rassurer mais elle ne savait pas comment, elle ne savait ni quoi dire ni quoi faire. Elle était toute aussi paumée que lui, c’était bien l’une des raisons qui l’avait poussé à ne pas parler. « Pardon ? Tu peux répéter je suis pas sûr d'avoir bien entendu. ». Elle aurait pu être agacée par cette échappatoire mais elle ne l’était pas, elle-même avait mis un moment face à la réalité, à ce plus sur le test, les tests. Elle avait attendu la prise de sang pour être sûre et puis, elle n’avait vraiment réalisé qu’à l’échographie. Alors, elle délaissa ses beaux yeux inquiets pour glisser la main dans son sac, à la recherche de cette image en noir et blanc qui avait fait chavirer son cœur, bousculer sa vie. Elle glissa la photo de ce tout petit fœtus dans son ventre, il était encore si minuscule mais il était bien là et ce même si ses parents avaient des choses à régler. « Je voulais te le dire mais, quand je suis venue chez toi, cette femme m’a ouvert la porte. J’étais déjà assez paniquée, j’ai pris un billet d’avion pour Atlanta, pour être avec ma famille. ». Elle avait conscience qu’elle ne lui avait pas laissé une chance de s’expliquer, une chance de savoir, de jouer son rôle. Elle lui en donnait une maintenant mais c’était peut-être trop et trop tard pour lui ?

Elle a souhaité me parler, j'ai accepté pour avoir enfin des réponses à toutes mes questions et particulièrement une seule ; pourquoi la fuite sans rien dire ? J'ai essayé de chercher des tas de raisons pour expliquer le pourquoi du comment, mais j'ai toujours pas trouvé. En venant à sa rencontre dans ce bar je pensais avoir des mots et finalement j'ai eu un choc. Je comprends maintenant que si je suis ici c'est, si elle est revenue vers moi c'est simplement parce qu'elle est enceinte. En parfait connard que je ne suis pas j'aurais très bien pu lui demander si cet enfant est réellement de moi, mais je ne suis pas ce parfait connard et je sais bien que si elle m'avoue ça c'est parce que l'enfant qu'elle porte est tout simplement de moi. Quel homme ne rêverait pas de former sa propre famille ? Je le connais, je ne sais pas comment réagir je dois même dire que j'ai du mal à y croire puisque je me demande si j'ai vraiment bien compris tous les mots qui sont sortis de sa bouche ou bien alors si j'ai simplement rêvé. Je lui demande de répéter pour en être sûre, « Je voulais te le dire mais, quand je suis venue chez toi, cette femme m'a ouvert la porte. J'étais déjà assez paniquée, j'ai pris un billet d'avion pour Atlanta, pour être avec ma famille. » Trop d'information arrive en même temps dans ma tête. Une échographie sous mes yeux et une histoire de femme chez moi. Je décide de traiter le tout, mais de prendre quand même mon temps alors pour commencer je prends l'échographie dans les mains pour la regarder. « C'est … De nous ? » Question bête probablement, mais je pense que j'ai besoin de temps pour l'assimiler tout simplement. Je reviens alors avec cette histoire de femme, « Une femme ? Comment ça ? » Je ne comprends pas vraiment puisque aucune femme à part Liv et ma sœur ne sont venus chez moi depuis que j'y habite et s'il s'agit de ma sœur ça va être simple de le savoir rapidement.

Elle comprenait qu’il ait du mal à réaliser, tout cela, c’était tellement d’informations, trop d’informations. Elle était partie, elle revenait, ils n’étaient pas en couple, ils allaient être parents. Liv, quand elle songeait ainsi, elle en avait le vertige. Elle était plutôt le genre de nana à chercher le positif, à croire et à faire en sorte que tout se passe bien mais parfois, son monde semblait tourner bien trop vite pour elle. Son regard se pose sur Pharrell qui prend en main l’échographie et son ventre se tord, se noue, se joue d’elle, elle est anxieuse et attendrie. Attendrie par la douceur dans la prunelle de ses yeux, attendrie par l’amour qu’elle porte à cet homme. « C'est … De nous ? ». Elle hocha la tête avec un léger sourire, oui, c’était eux, c’était leur petit bébé même si à ce stade, il n’était pas très développé. Ils étaient tous les deux médecins, ils savaient tous les deux comment contempler le début de la vie, ils savaient que cet amas de cellules était l’avenir, leur avenir ? « Oui, c’est notre petit truc, qui se développe bien. ». Elle ne savait pas pourquoi ça lui semblait important de lui dire, parce qu’un moment, elle, elle avait eu peur qu’il ait un bras en trop, une tête informe, un jumeau mutant. Ce petit être éloignait le côté rationnel et médical, elle n’était ni plus ni moins qu’une mère quand elle songeait à lui et comme toute mère, elle avait peur. « Une femme ? Comment ça ? ». Elle baissa légèrement les yeux parce qu’elle se savait idiote de réagir ainsi mais elle brûlait de jalousie depuis le jour où elle avait croisé son regard. « Une très jolie brune, métissée… elle avait l’air surprise de me voir et je ne me suis pas attardée à lui demander qui elle était ». Parce qu’elle avait eu peur de finir avec le cœur brisé, parce qu’elle ne voulait plus être celle qu’on trompe, celle qu’on laisse, celle qu’on aime bien mais pas assez.

Je pense bien qu'à ce moment là, à ce moment précis où elle me montre l'échographie, toute la colère que j'avais pu ressentir pour elle à son départ avait disparu d'un seul coup. Bien sûr que je l'aime cette femme, simplement je crois que nous n'avons pas fait les choses dans le bon ordre. Qu'importe, aujourd'hui il faut anticiper et être présent tout simplement. « Oui, c'est notre petit truc, qui se développe bien. » C'est quand même étrange de se dire que c'est mon enfant dans son ventre, notre enfant. Bien sûr j'ai envie d'être papa, j'ai toujours eu cette envie, simplement je ne m'attendais pas à l'avoir assez tôt et surtout dans cette situation-là. « D'après toi c'est un petit mec ou une petite princesse ? » Je sais très bien qu'il est bien trop tôt pour savoir tout ça, mais peut-être qu'en tant que futur maman et portant donc cet enfant elle a des pré-sentiments. Liv a toujours été la femme la plus importante dans ma vie depuis le départ, hormis ma sœur évidemment. J'ai jamais eu l'envie de lui faire du mal, elle était bien trop précieuse pour moi et ça n'a pas changé aujourd'hui, même malgré ce qui a pu se passer. La voilà donc qui me parle d'une fameuse femme qui s'est retrouvé chez moi et qui lui aurait ouvert la porte un soir qu'elle venait me voir. Lorsqu'elle m'en parle je pense automatiquement à ma sœur puisque aucune femme, mise à part elles deux dont venue chez moi. « Une très jolie brune, métissée… elle avait l'air surprise de me voir et je ne me suis pas attardée à lui demander qui elle était » J'avais donc bien raison, d'ailleurs je pars à rire quelques instants avant de lui répondre, « C'est ma sœur. »